LA FÊTE DE LA SAINT VALENTIN

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De la carte à l’affiche : la Saint-Valentin française commercialisée

Au moment où la Saint-Valentin devenait une sorte de lieu commun journalistique, on voit quelques premières tentatives de commercialiser la date – d’abord sur le modèle anglais. En 1874, La Patrie nous apprend que la maison Rimmel « qui a la réputation à Londres de créer les plus coquettes Valentines, en expose cette année […] à sa succursale du boulevard des Italiens ». Il s’agissait d’une opération publicitaire – le même article, à peu de mots près, se retrouvant dans une demi-douzaine de journaux au même moment.

Sans réel impact ni suite, cependant. Les changements significatifs n’apparaissent qu’en 1938. Sur la Une du Jour du 13 février, entre des photos d’Hitler, des nouvelles tenues de soirée des « führerinnen » de la jeunesse hitlérienne, ou de la guerre d’Espagne, on peut lire dans une étroite colonne :

« Une grande nouvelle, mesdames, messieurs : le cœur revient à la mode ! »

C’est l’œuvre de la chambre syndicale des fleuristes de Paris : son secrétaire général, après avoir vécu quelques temps aux États-Unis, convainquit sa corporation d’essayer activement d’implanter la fête – en couvrant les murs de Paris d’affiches vertes où un cœur s’incline sur fond de fleurs.

Et, malgré l’imminence de la drôle de guerre, on voit bien l’année suivante, dans le Figaro, apparaître une publicité du fleuriste de l’avenue Victor Hugo, incitant à célébrer la Saint-Valentin avec un bouquet.

Il n’est pas impossible que le Gouvernement de Vichy ait tenté de tirer parti de cette évolution et de cette semi-tradition (comme pour la fête des mères), en février 1941, à l’aide d’une publicité en deux temps largement diffusée dans les journaux.

Question : 

« Saint Valentin s’apprête à faire des heureux. Vous voudriez savoir comment ? Nous vous le dirons demain. »

Réponse : 

« Il y aura, ce jour-là, tirage de la Loterie Nationale, avec 214 000 gagnants. Tâchez d’en être. » 

Volonté d’ancrer un symbolisme ou hasard, le nombre de gagnants contient la date de la fête elle-même (2-14). C’est à ma connaissance le premier tirage en France expressément placé sous l’égide de la Saint-Valentin. On en retrouvera d’autres, comme en 1958, qui, si leur romantisme est douteux, ont au moins le mérite d’illustrer cette nouvelle période de l’histoire de la fête des amoureux en France, placée avant tout sous le signe du commerce et de l’argent.

Quoiqu’il en soit, la main est rapidement reprise par les fleuristes après la Libération. En 1948, Jacques-Laurent Bost, un proche de Simone de Beauvoir signant sous le pseudonyme Maury, décrit avec une joyeuse aigreur dans Combat « les vitrines de fleuristes […] recouvertes de cœurs épanouis, chaque bouquet […] accompagné d’une carte de visite », le tout orchestré par le ‘Comité de la saint Valentin’. » L’effort est lancé à coups d’affiches, de vitrines décorées…

…et d’un bon réseau. 

Le comité continue d’opérer : en 1955, à Paris, un concours des couples heureux conduit les gagnants à une messe solennelle – et spéciale Saint-Valentin – à l’église Saint-Eustache, avant une réception à l’Hôtel de Ville, comme le rapporte La Croix. Pour le journalL’Aurore, en janvier 1950, l’initiative réussie d’implanter la Saint-Valentin rejoint une volonté d’échapper aux soucis de l’époque et aux angoisses internationales en fêtant l’amour « avec éclat ». 

La récupération commerciale, moins romantique, n’est pourtant pas loin : quelques jours plus tard, à la veille de la Saint-Valentin et dans le même journal, les magasins Valentin achetaient un espace de publicité, faisant le parallèle entre « saint Valentin, patron des amoureux » et « Valentin, Roi des caoutchoucs ». 

Tous ces beaux Gifs proviennent de chez Mamietitine : http://mamietitine.centerblog.net/rub-saint-valentin-.html